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Villejuif, le 13 mars 2025

BLOOD - Des chercheurs parviennent à reproduire une leucémie pédiatrique à partir de cellules humaines non-cancéreuses

L’équipe Inserm dirigée par Thomas Mercher à Gustave Roussy a réussi à modéliser pour la première fois le développement d’une leucémie aiguë myéloïde en partant de cellules souches pluripotentes induites normales. Ces travaux permettent une meilleure caractérisation des mécanismes génétiques et épigénétiques à l'œuvre, et donc une meilleure compréhension de cette maladie au pronostic peu favorable. Ces résultats ont été publiés dans la revue Blood.

Article en ligne : https://ashpublications.org/blood/article-abstract/doi/10.1182/blood.2024024505/534446/Progressive-chromatin-rewiring-by-ETO2-GLIS2

La leucémie aiguë myéloïde (LAM) pédiatrique est un type de cancer qui touche les enfants et les adolescents. Elle se caractérise par une production excessive de cellules immatures, appelées « blastes », qui ne parviennent pas à se différencier en cellules fonctionnelles. Ces cellules s'accumulent dans la moelle osseuse, empêchant la formation normale de cellules sanguines saines. Il existe plusieurs sous-types de LAM. L’une des plus agressives, associée à une résistance aux traitements et à un pronostic particulièrement défavorable, est la leucémie aiguë mégacaryoblastique (LAM7), généralement diagnostiquée entre 0 et 2 ans.

Les jeunes patients atteints par une leucémie, et plus généralement par un cancer pédiatrique, sont porteurs de fusions oncogéniques spécifiques. Il s’agit d’anomalies qui apparaissent lorsque deux gènes différents, situés à des endroits distincts du génome, fusionnent pour former un nouveau gène hybride, produisant une protéine anormale capable de favoriser la croissance incontrôlée de cellules. La fusion oncogénique ETO2::GLIS2 est particulièrement répandue chez les nourrissons atteints par une leucémie aiguë mégacaryoblastique, et résulte d’une inversion du chromosome 16. Bien que de précédentes études aient démontré que cette fusion génétique peut induire la leucémie, aucune n’avait jusqu’alors été en mesure de décrire les étapes précoces de la transformation d’une cellule humaine saine en cellule leucémique dans cette indication.

Recours aux cellules souches pluripotentes induites

L’article publié dans la revue Blood se base sur les travaux menés au sein de l’équipe de recherche « Biologie des leucémies pédiatriques » (1) rattachée au programme Pediac, localisée à Gustave Roussy et dirigée par le chercheur Inserm Thomas Mercher. Pour modéliser et mieux comprendre la transformation d’une cellule saine en une cellule leucémique, les chercheurs ont utilisé des cellules souches pluripotentes induites, ou iPSC. Ces dernières sont issues du corps humain, comme les cellules de la peau, puis reprogrammées en laboratoire. Une fois reprogrammées, ces cellules deviennent pluripotentes, c’est-à-dire qu’elles peuvent donner naissance à une grande variété de types cellulaires, tel que des cellules du cœur, du cerveau, ou du sang. 

Sur ces iPSC normales, les chercheurs ont d’abord recréé l’anomalie du chromosome 16, retrouvée dans les cellules leucémiques de patients et responsable de la fusion oncogénique ETO2::GLIS2, grâce à la technique CRISPR/Cas9, dite des « ciseaux moléculaires » qui coupent l'ADN à des endroits précis. Une fois l’inversion chromosomique réalisée, ces iPSC ont été différenciées en progéniteurs hématopoïétiques, des cellules qui se retrouvent normalement dans la moelle osseuse et qui ont la capacité de produire toutes les cellules sanguines. 

« In vitro, ces cellules hématopoïétiques issues d'iPSC avec la fusion ont montré des anomalies dans leur différenciation, et ont été capables in vivo de provoquer une leucémie semblable à celle observée chez les patients atteints d’une leucémie aiguë mégacaryoblastique. Des résultats confirmés par des analyses de cytométrie en flux et des gènes exprimés dans de nombreuses cellules étudiées individuellement », détaille Thomas Mercher. « Nous avons ainsi pu, pour la première fois, étudier des stades très précoces du développement tumoral, afin de mieux caractériser cette maladie », poursuit-il.

Rôle du gène DLX3

Enfin, la modélisation in vitro de la leucémie aiguë mégacaryoblastique a permis de mettre en évidence le rôle clé joué par le gène DLX3 dans le développement de cette maladie. Ce dernier est activé par la fusion oncogénique ETO2::GLIS2, et possède un rôle central au début de la transformation des cellules saines en cellules leucémiques.

Les chercheurs de l’équipe de Thomas Mercher ont mis en avant que DLX3 modifie l’accessibilité de certaines régions du génome, venant faciliter l’action d’autres gènes liés à la leucémie. Ainsi, dans ce modèle issu de cellules iPSC modifiées, le blocage de DLX3 a stoppé l’apparition de la leucémie.

« En clinique, nous n’avons pas encore la possibilité de cibler le gène DLX3. Mais nos travaux ouvrent la voie à de futures avancées dans ce sens. De plus, comme il n’existe pour le moment pas de technique de diagnostic précoce pour les leucémies aiguës mégacaryoblastiques, ces observations réalisées en laboratoire pourraient amener au développement de méthodes moléculaires capables de détecter plus précocement cette leucémie pour mieux la prendre en charge », conclut Thomas Mercher.

Source
Blood
Progressive chromatin rewiring by ETO2::GLIS2 revealed in a genome-edited human iPSC model of pediatric leukemia initiation
Article publié le 10 décembre 2024
DOI : 10.1182/blood.2024024505

Auteurs : Fabien Boudia; Marie Baille; Loélia Babin; Zakia Aid; Elie Robert; Julie Rivière; Klaudia Galant; Veronica Alonso Perez; Laura Anselmi; Brahim Arkoun; Nassera Abermil; Christophe Marzac; Salvatore Nicola Bertuccio; Alexia Regnault de Premesnil; Cécile K.Lopez; Alexandre Eeckhoutte; Audrey Naimo; Betty Leite; Cyril Catelain; Christophe Metereau; Patrick Gonin; Nathalie Gaspar; Jürg Schwaller; Olivier A. Bernard; Hana Raslova; Murielle Gaudry; Antonin Marchais; Hélène Lapillonne; Arnaud Petit; Françoise Pflumio; Marie-Laure Arcangeli; Erika Brunet; Thomas Mercher.

(1) L'équipe « Biologie des leucémies pédiatriques » est intégrée à l'unité « Dynamique moléculaire de la transformation hématopoïétique » (Inserm - Gustave Roussy - Université Paris Saclay) localisée à Gustave Roussy.

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