Villejuif, le 4 septembre 2025
Nature Medicine
Un conjugué anticorps-médicament montre des résultats très encourageants dans les cancers du sein métastatiques
Dans le cadre de l’étude ICARUS-BREAST 01, plus de la moitié des patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique ont vu leur maladie diminuer ou disparaître complètement grâce au traitement, et chez certaines patientes, cette réponse dure maintenant depuis plus de deux ans. La Dr Barbara Pistilli, cheffe du comité de pathologie mammaire à Gustave Roussy, et Guillaume Montagnac, chercheur Inserm au sein de l'unité "dynamique des cellules tumorales" qu'il dirige à Gustave Roussy, ont coordonné cette étude dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature Medicine. Ils mettent en avant l'efficacité du patritumab deruxtecan (HER3-DXd), un conjugué anticorps HER3-médicament, chez des patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique hormonodépendant, ayant déjà reçu plusieurs traitements, dont une hormonothérapie, une chimiothérapie et un traitement ciblé spécifique. L’étude livre aussi des premières pistes pour comprendre pourquoi certaines patientes répondent mieux que d’autres à cette thérapie ciblée. Ces travaux de recherche se sont déroulés dans le cadre du programme UNLOCK au sein de l’IHU Prism, en partenariat avec Daiichi Sankyo.
Le cancer du sein reste la tumeur maligne la plus fréquente chez les femmes, avec 2,3 millions de nouveaux cas et 685 000 morts à l’échelle mondiale en 2020 [1]. Des chiffres qui témoignent du besoin urgent de développer de nouveaux traitements dans cette indication.
Les conjugués anticorps-médicaments (ADC) sont une nouvelle classe thérapeutique qui combinent un anticorps, qui va permettre d’identifier les cellules tumorales à détruire, à un agent cytotoxique, bien souvent une molécule de chimiothérapie. L’anticorps rejoint la cellule cancéreuse pour y délivrer sa charge toxique en épargnant le plus possible les tissus sains.
Les ADC ont déjà montré des résultats cliniques très encourageants dans de nombreuses tumeurs solides et hématologiques. Mais si ces traitements innovants offrent de réels espoirs, leur efficacité reste variable selon les patients. À ce jour, les mécanismes biologiques qui expliquent cette variabilité, en particulier les causes de résistance, restent peu compris. L’identification de biomarqueurs prédictifs de réponse demeure un enjeu pour personnaliser au mieux l’utilisation de ces traitements.
Publiée dans Nature Medicine, ICARUS-BREAST 01 est un essai de phase II promu par Gustave Roussy, qui a évalué l’efficacité et la tolérance du patritumab deruxtecan (HER3-Dxd) chez 99 patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique de type HR+/HER2-, en progression après un traitement par inhibiteur de CDK4/6 et une ligne de chimiothérapie. L’essai comprenait également un volet exploratoire visant à identifier des biomarqueurs prédictifs de réponse ou de résistance à ce traitement innovant.
Résultats cliniques prometteurs
Le patritumab deruxtecan est un conjugué anticorps-médicament conçu pour cibler la protéine HER3, présente à la surface des cellules tumorales des cancers du sein hormonodépendants. Cette protéine est impliquée dans les mécanismes de résistance à certains traitements standards, notamment l’hormonothérapie et certaines thérapies ciblées.
De mai 2021 à juin 2023, quatre-vingt-dix-neuf femmes ont reçu le patritumab deruxtecan par perfusion toutes les trois semaines jusqu’à progression de leur maladie ou développement d’une toxicité grave. Les résultats de l'étude montrent que le critère d’évaluation principale a été atteint, puisque 53,5 % des patientes ont vu leur tumeur diminuer de manière significative avec le patritumab deruxtecan, et environ 63 % des patientes ont tiré un bénéfice clinique du traitement (réduction ou stabilisation de la maladie pendant au moins six mois). Enfin, deux patientes ont vu une disparition complète des signes visibles de leur maladie, réponse qui maintenant persiste depuis plus que 2 ans.
Le suivi médian a duré 15,3 mois. La durée médiane de l’absence de progression de la maladie était de 9,2 mois, et la réponse au traitement a duré en moyenne 9,3 mois. Les effets indésirables les plus fréquents étaient la fatigue (83 %), les nausées (75 %) et les diarrhées (53 %). Le profil de sécurité était identique à ce qui a été précédemment rapporté.
Rôle du programme UNLOCK
Le volet de recherche exploratoire d’ICARUS-BREAST 01 a permis de mieux comprendre pourquoi certaines patientes répondent plus favorablement que d’autres au patritumab deruxtecan, en identifiant des biomarqueurs impliqués dans les mécanismes de résistance. Ces recherches, menées dans le cadre du programme UNLOCK de Gustave Roussy au sein de l’IHU Prism, se sont appuyées sur l’analyse exploratoire des tumeurs avant et après traitement, à partir de biopsies, d’examens d’imagerie et d’analyses génétiques.
Ces analyses exploratoires suggèrent que le taux de réponse au médicament pourrait être lié à la manière dont la cible (HER3) est répartie dans la tumeur, ainsi qu'à l’absence de certaines mutations (ESR1). Une autre observation indique que la durée de contrôle de la maladie pourrait être plus longue chez les patientes dont les tumeurs expriment davantage HER3.
Les analyses des échantillons prélevés pendant le traitement montrent que l’efficacité du médicament semble dépendre de sa bonne diffusion au sein de la tumeur et de l’activation d’une réponse immunitaire spécifique caractérisée par une signature d’interféron, des protéines produites naturellement par l’organisme qui jouent un rôle clé dans la stimulation du système immunitaire.
« Dans cette étude, le traitement HER3-DXd a montré une efficacité prometteuse et une bonne tolérance chez des patientes atteintes d’un cancer du sein avancé hormonodépendant, en échec des traitements standards », conclut la Dr Pistilli. Elle ajoute : « L’étude ICARUS-BREAST 01 met aussi en évidence des pistes biologiques intéressantes, qui pourraient, à terme, nous aider à mieux sélectionner les patientes susceptibles de bénéficier de cette approche. Ces premiers résultats doivent maintenant être confirmés par des essais de plus grande ampleur, dont certaines qui ont déjà démarré à l’international et qui arriveront bientôt en France. Une autre étude, ICARUS-BREAST 02, est actuellement en cours avec HER3-DXd. Cette dernière vise à évaluer l’efficacité de cet ADC en association avec l’Olaparib après la progression du cancer sur un précèdent ADC, qui est le trastuzumab deruxtecan (T-DXd) ».
Source
Nature Medicine
Patritumab deruxtecan in HR+HER2− advanced breast cancer: a phase 2 trial
https://www.nature.com/articles/s41591-025-03885-3
Article publié le 4 septembre 2025
[1] Siegel RL, Giaquinto AN, Jemal A. Cancer statistics, 2024. CA: A Cancer Journal for Clinicians 2024;74(1):12–49